Chaque année, plus de deux milliards de tonnes de déchets solides sont générés dans le monde, d’après Statista. La surconsommation, dopée par le modèle économique linéaire « produire, consommer, jeter », a mené la planète à une situation critique. Dans un monde où la demande pour des produits de consommation ne cesse d’augmenter, cette tendance est insoutenable.
Face à ce constat alarmant, une nouvelle solution émerge et ouvre la voie vers une économie circulaire : le passeport numérique des produits. Cet outil est bien plus qu’un simple certificat digital. Il promet de transformer nos habitudes de consommation, d’optimiser la gestion des ressources et de booster la durabilité des chaînes d’approvisionnement.
Découvrons comment le passeport numérique des produits pourrait devenir un allié stratégique pour l’avenir du e-commerce durable.
En anglais, on l’appelle le Digital Product Passport (DPP).
Le Passeport numérique des produits (PNP) est une fiche d’identité digitale qui regroupe toutes les informations sur un produit. Il y a sa composition, son origine, ses conditions de fabrication, les matériaux utilisés, et même ses possibilités de recyclage. Intégré au sein de la chaîne d’approvisionnement, ce passeport permet de tracer le parcours d’un produit depuis sa création jusqu’à son recyclage ou sa réutilisation.
Ce concept, encore en développement, est aujourd’hui soutenu par l’Union Européenne. Le PNP peut potentiellement devenir un outil central lui permettant d’atteindre ses objectifs climatiques et circulaires. Cette mesure est à l’initiative de la Commission européenne dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe et du Plan d’Action pour l’Économie Circulaire (PAEC)
La vision est ambitieuse : rendre obligatoire l’intégration de ce passeport numérique pour les produits commercialisés au sein de l’UE d’ici 2030. Cette innovation vise non seulement à améliorer la transparence pour les consommateurs, mais aussi à responsabiliser les acteurs économiques.
Quatre secteurs d’activités sont représentés : le textile, les batteries, l’électronique et la construction. Le règlement concerne toute une liste de catégories de produits non exhaustive.
Le Joint Research Center a d’ores et déjà publié une première analyse.
Le passeport numérique assure une transparence inédite sur l’ensemble du cycle de vie d’un produit. En effet, cette technologie permet de tracer chaque étape, de la conception à la fin de vie du produit. Par exemple, pour un vêtement, on peut savoir d’où proviennent les fibres, comment elles ont été transformées, et dans quelles conditions le produit a été assemblé.
En rendant ces informations disponibles, le passeport encourage les entreprises à adopter des pratiques responsables. Cette transparence est également un levier de confiance pour les consommateurs. Ils peuvent s’assurer que les produits qu’ils achètent sont conformes à leurs valeurs éthiques et environnementales.
Grâce au passeport numérique, il est possible d’identifier précisément les matériaux qui composent un produit et les procédés nécessaires pour le recycler. Cela facilite le tri et le traitement en fin de vie, et améliore ainsi l’efficacité des filières de recyclage.
Par exemple, dans le secteur du textile, le passeport numérique peut aider à distinguer un tissu composé à 100 % de coton d’un tissu mélangé. C’est vertueux pour optimiser le recyclage. Ce processus réduit le besoin en matières premières vierges et soutient les principes de l’économie circulaire.
Les entreprises de logistique e-commerce et les donneurs d’ordre peuvent tirer parti du passeport numérique pour améliorer la gestion de leurs stocks et l’optimisation des flux. En connaissant en temps réel les matériaux et la provenance de chaque article, ils peuvent mieux anticiper les besoins en transport et en stockage, réduisant ainsi les coûts et les émissions de carbone.
Si un lot de produits textiles est identifié comme recyclable ou pouvant être revendu dans le circuit de la seconde main, la logistique peut être adaptée pour optimiser le cycle de vie de ces produits, tout en limitant le gaspillage.
Nous sommes dans un marché où les consommateurs sont de plus en plus attentifs aux impacts environnementaux de leurs achats. Ainsi, afficher un engagement fort pour la transparence et la durabilité est un atout compétitif majeur. Le passeport numérique permet aux marques de se positionner comme des leaders de la durabilité, attirant ainsi une clientèle plus consciente et fidèle.
Dans les secteurs du textile, de la cosmétique, ou du bien-être, les produits accompagnés d’un passeport numérique bénéficient d’un argument de vente supplémentaire. Il rassure les consommateurs quant à l’authenticité des labels écologiques ou éthiques revendiqués.
Avec des réglementations environnementales de plus en plus strictes, le passeport numérique peut aider les entreprises à se conformer aux exigences légales en matière de traçabilité et de transparence. En cas de nouvelles obligations sur l’origine des matériaux ou sur l’évaluation du cycle de vie, le passeport peut servir de base solide pour collecter et gérer ces informations.
En anticipant les attentes législatives, les entreprises peuvent ainsi éviter des sanctions, tout en contribuant activement à la mise en place de pratiques durables au sein de l’industrie.
Dans l’e-commerce, les invendus représentent une perte économique et écologique importante. Le passeport numérique pourrait jouer un rôle clé en facilitant la redistribution ou la revalorisation des produits non vendus. Par exemple, une entreprise de cosmétiques peut tracer l’origine et la durée de vie de ses produits grâce au passeport numérique, facilitant ainsi leur revente à prix réduit ou leur recyclage avant leur péremption.
Des solutions alternatives au gaspillage peuvent être envisagées. La marque peut faire des dons à des associations, une action bien perçue, éthique et durable.
Cela représente non seulement une réduction des déchets, mais également une diminution des coûts liés à la destruction des invendus. C’est aussi l’opportunité de faire un réel retour sur investissement pour les produits initialement invendus.
Le projet CIRPASS 2 est aujourd’hui au cœur du déploiement du DPP dans différents secteurs. Ce projet d’action se déroule de mai 2024 à avril 2027. Il s’appuie sur un consortium d’organisations.
Pour que le passeport numérique devienne réellement efficace, une standardisation des informations et des formats est nécessaire. Cela représente un défi, car chaque secteur a ses propres spécificités. Toutefois, la collaboration entre industriels, gouvernements, et organismes de certification pourrait faciliter la création de standards interopérables, applicables à grande échelle.
En termes technologiques, le développement de solutions fiables et sécurisées (via la blockchain, par exemple) est essentiel pour garantir l’authenticité et l’inviolabilité des informations contenues dans chaque passeport.
La mise en place du passeport numérique requiert un investissement initial pour l’acquisition et la gestion des données produits, ainsi que la formation des équipes. Cependant, les bénéfices à long terme, en termes de réduction des coûts, de transparence et de conformité, surpassent largement cet investissement.
Une sensibilisation accrue des consommateurs est également indispensable pour maximiser l’impact du passeport numérique. Plus les clients sont informés, plus ils seront enclins à choisir des produits traçables et écoresponsables. Ce qui créé un cercle vertueux pour l’industrie.
Pour les petites entreprises, l’intégration du passeport numérique peut sembler complexe. En revanche, avec le soutien de partenariats publics-privés et la mise à disposition d’outils simplifiés, l’adoption pourrait se faire progressivement. Ce passeport numérique des produits s’adaptera à l’échelle des entreprises de toutes tailles.
Le passeport numérique des produits est plus qu’une innovation technologique. Il est une révolution pour la durabilité dans le secteur e-commerce et logistique. Elle permettra aux parties prenantes de l’ensemble de la chaîne de valeur (producteurs, importateurs, distributeurs, réparateurs, recycleurs, consommateurs, etc.) de partager et d’accéder à ces datas. Il offre une transparence inégalée, optimise le recyclage. Il permet de réduire les coûts logistiques. Celui ci s’inscrit comme un pilier essentiel pour l’économie circulaire. L’essor de ce dispositif permettra non seulement de répondre aux attentes des consommateurs, mais également de préparer les entreprises aux défis environnementaux et réglementaires de demain.
Les industriels ont tout à gagner en adoptant cette innovation. Le passeport numérique est la clé pour bâtir un modèle d’affaires durable. Il est en phase avec les valeurs écoresponsables de la nouvelle économie.